Expositions / atelier / MISCELLANÉES
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Chiso Gallery
17 septembre - 27 novembre
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LE PETIT A DE O
Galerie Houg, 22 rue Saint Claude Paris 3
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19 mars - 23 avril 2016
LA VÉRITÉ DES APPARENCES
HISTOIRE DE CODES ET DE REFLETS
La Tôlerie, Clermont-Ferrand
16 septembre - 5 décembre
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LIGNE AVEUGLE
Une exposition prospective de peinture
ISBA Besançon
30 septembre - 12 novembre
Une invitation de
Hugo Schüwer Boss et Hugo Pernet
ALFRED JARRY ARCHIPELAGO
La valse des pantins - acte I
5 juin - 30 août 2015
Le Quartier, Quimper
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SPEAKEASIES
Apes&Castles
rue de l'autonomie 29 - 1070 Bruxelles
29 mars - 10 mai
+ 25 avril, 19h30 : concert de STINKSTOTAAL
- Nicolas Chardon + Emmanuel Van der Meulen -
à Rosa Brux, rue de l’autonomie 9
Musée des Beaux-Arts de Rennes
Collections permanentes
FACTA NON VERBA
Galerie Allen
59, Rue de Dunkerque Paris 9
31 janvier - 28 février 2015
Accrochées à la lisière du plafond, quatre peintures sur toile libre déroulent leurs dimensions monumentales jusqu'au plancher de la galerie, sur lequel elles courent encore, s’avançant de quelques centimètres à nos pieds. Isolé sur un mur qu’il tient pourtant entièrement, un tableau de petite taille rayonne à hauteur de regard. Différentes variations circulaires inscrites au sein de l’espace pictural rectangulaire, vertical, marquent une forme de permanence visuelle entre ces œuvres, dévoilées pour la première fois en France à l’occasion de Facta Non Verba, l’exposition personnelle d’Emmanuel Van der Meulen à la Galerie Allen.
Les quatre compositions peintes sur toile libre appartiennent à une série que l’artiste a peint à plat, à même le sol de l’atelier occupé lors de sa résidence à la Villa Médicis, en 2012 - certaines en conservent l’empreinte directe, la résille du sol carrelé s’étant imprimée en creux dans la matière tissée, alourdie par la peinture. Toutes sont, de fait, intimement liées à l’architecture et à l’histoire de la demeure romaine où elles ont été imaginées par le peintre, dans le cadre d’un projet plus large développé en communauté d’esprit avec la graphiste française Fanette Mellier. L’ensemble, intitulé Cosmica Sidera, déplie les références aux quatre lunes de Jupiter, satellites naturels dont Galilée dédia la découverte à celui qui fut son élève, Cosme II de Médicis. Renouant en un sens avec la tradition des grands décors éphémères peints pour l’extérieur, au service de l’entrée triomphale d’un souverain, par exemple, et dont la vogue est notablement renouvelée par l’influence antique à la Renaissance, Emmanuel Van der Meulen a pensé ses peintures sur toile libre, entre monumentalité et maniabilité du dispositif, pour les arcades en enfilade du jardin de la Villa. Ou plutôt, comme le soulignait Philippe Dagen à propos d’une exposition récente de l’artiste au Château d’Eau, à Toulouse, « il a laissé l’architecture lui conseiller ses formats » (Le Monde, 22 mai 2013).
« Chaque œuvre comme un monde en soi. »
Ni tableau, ni drapeau, les toiles suspendues oscillent entre pesanteur et légèreté. Les photographies de l’installation en plein air témoignent du dialogue avec le cadre architectural où elles ont été visibles le temps d’une semaine. Au-delà de la richesse historique des relations entre peinture et architecture, les Cosmica Sidera éclairent l’intérêt de l’artiste pour les divisions possibles d’une surface, l’inscription d’une forme géométrique en une autre, ou encore les problèmes de délimitations entre le format d’une toile et le mur, cette interrogation permanente de l’espace, peut-être de l’instant, où une peinture s’achève. Les accords - désaccords ? - chromatiques entre les fonds unis et les cercles ou les disques, comme en suspension, qui s’en dégagent, caressent volontairement les limites du mauvais goût, confrontant allègrement des teintes rose chair, orange corail, bleu turquoise, à des nuances plus raisonnables, noires, grises ou marrons. Avec pour effet certain de provoquer la surprise, si ce n’est de dessiller le regard.
« Le tableau comme une expérience du visible »
Or, c’est bien de l’acte de voir, plus que de savoirs, dont il est question. Dès les premières pages de sonRécit d’un voyage à Assise paru en 2013, Emmanuel Van der Meulen, en méditation sur les pas de Saint François, s’interroge : « Le regard se suffit-il à lui-même, ou faut-il effectivement savoir quelque chose ? ». À peine plus loin, se souvenant de sa rencontre avec Mondrian : « Cela a été peint visiblement. Visiblement, c’est peint. » L’emploi de formes géométriques simples est, pour lui, un moyen donné au regardeur pour en venir à l’expérience de la peinture en elle-même. Aller au-delà de la reconnaissance de ce qui est représenté pour interroger la présence de la surface peinte, cette surface qui porte l’empreinte du sol, des larges coups de pinceau, le stigmate appuyé de la pointe du compas. En somme la trace du faire, la peinture dans ce qu’elle de plus concret. Car si la peinture n’est pas la réalité, elle en est matériellement le fruit.
« L’art naît dans l’étonnante banalité du quotidien et des matériaux : se nourrir, dormir, choisir du bois, de la toile, fabriquer, mélanger des couleurs, laver ses pinceaux. »
Le tableau de petite taille montré seul, sur un mur isolé, appartient à un ensemble d’œuvres à part dans la pratique de l’artiste, réalisées à partir de chiffons de travail montés sur châssis. Sur un fond maculé de diverses taches, un disque plein, densément noir, semble sourdre du tissu même ; la peinture, en s’infiltrant entre les fibres de coton, a fait vibrer les contours du disque avant de sécher. Comme si la couleur avait sué, voire saigné. À l’instar de la série des Chronochromies, qui ont pour point de départ le réemploi de couleurs restant après un tableau, faire œuvre à partir d’un chiffon de travail revient à affirmer que la peinture est une pratique quotidienne, une organisation de la matière à partir d’une réalité vécue. Comme l’écrivain, dont les notes, une fois publiées, témoignent de la continuité de la vie et de la pensée, la peinture de l’artiste ne se limite ni ne s’achève aux bords du tableau.
« L’image peinte n’est pas finie tant que personne ne l’a regardée. »
Les toiles libres des Comica Sidera sapent le rapport d’autorité qu’un tableau de format vertical, allongé, et de dimensions semblables pourrait imposer. Conçues dès l’origine comme des œuvres aisément transportables, essentiellement nomades, leur présentation à la Galerie Allen instaure un rapport de proximité inédit avec le regardeur dont elle partage l’espace. Concerné en son entier, corps et esprit, il fait face à un espace ouvert à une confrontation avec lui-même, une invitation à l’introspection (introspicere, « regarder à l’intérieur »). En cela, « les paysages verticaux » peints par Emmanuel Van der Meulen, selon une belle formule de Gabriel Orozco, s’adressent, tout à la fois, à la vue et à l’invisible.
Sauf indication contraire, toutes les citations sont extraites de l’ouvrage écrit par Emmanuel Van der Meulen, Récit d’un voyage à Assise, coll. Pratiquer, École européenne supérieure de l’image Angoulême-Poitiers, 2013.
RÉPÉTER UNIQUE
Toshiba House
6 - 28 février
21 rue du Polygone, Besançon
Une invitation de Cécile Meynier
et Hugo Shüwer Boss
Répéter unique.
Étrange sentence aperçue lors d’une projection, alors qu’un DVD en boucle revient sur lui-même.
Répéter unique.
Injonction paradoxale vouée à l’échec : le même, malgré tout, devient. Mais tous les tableaux, semblables et différents, sont égaux. Ce sont des tableaux. Mallarmé remarque à propos de Manet dans son atelier « la furie qui le ruait sur la toile vide, confusément, comme si jamais il n'avait peint ». Comme si jamais.
On s’est parfois interrogé sur « le dernier tableau » dans l’histoire de la peinture. Il y en a plusieurs en travers du chemin, qui sont autant de recommencements abrupts. On peut le comprendre : le plus difficile n’est-il pas le premier tableau, surtout s’il vient après tous les autres ? Il est plus que probable qu’il (celui-là) n’a jamais été peint en effet. Et après ? L’unique ne se redit pas, à moins de tout recommencer à chaque fois.
DU PAIN ET DES JEUX
Galerie du cloître, EESBA Rennes
12 novembre - 19 décembre 2014
Avec Charlotte Houette et Romain Poussin
Une invitation de Corentin Canesson et Damien Le Dévedec
FIGURES, FÉTICHES
AnyWhere Galerie, Paris
5 juin - 19 juillet 2014
SPACELAND
Avec Fanette Mellier
Studio Fotokino, Marseille
7 – 29 décembre 2013
L’eidos [1] de la peinture
Mariangela Ciccarello
Dans la pensée du philosophe autrichien Edmund Husserl, l’épochè (du grec épokhé : interruption, cessation) désigne la suspension du jugement, la mise entre parenthèses de toute prénotion pour parvenir à la véritable conscience, à la conscience pure. Dans le travail d’Emmanuel Van der Meulen, l’épochè s’applique à l’image. La suspension de l’image et, par conséquent, de son rapport de reconnaissance avec le monde, est nécessaire pour accéder à la peinture véritable. Ses tableaux tendent vers cet « au-delà de la reconnaissance de ce qu’il y a à voir sur le tableau », pour atteindre l’expérience du tableau, de la peinture, proprement dite. L’artiste applique ainsi à la peinture ce qu’Husserl appelle la réduction eidétique ou essentielle. S’« il essaie de ne pas peindre, tout en peignant », c’est pour libérer la peinture de tout élément contingent et toucher à son essence. Dans son travail, il y a non seulement un refus de l’image (la volonté de libérer le tableau d’ « une » image, de l’image particulière, pour laisser libre cours à toutes les images possibles) mais aussi de la présence du sujet.
Dans cette tension vers l’abstraction radicale et non subjective, l’attention portée au champ coloré comme « expérience esthétique (c’est-à-dire physique et affective) », n’est pas anodine. La surface du tableau, recouverte par la couleur qui dessine des lignes simples donnant forme à des cercles suspendus « à la fois plats, ouverts et profonds », devient l’élément physique qui relève d’une matérialité picturale tout en révélant une dimension métaphysique. Cette surface colorée est en effet le fini qui cache l’infini, à l’instar de la superficie du ciel, cet élément visible que nous traversons mentalement pour parvenir à l’espace inconnu du cosmos. Aperçu sensible d’une entité immatérielle (la peinture dans son essence), l’espace du tableau, laissé « vacant » par l’absence d’intention du peintre, est enfin comblé par l’œil du spectateur, à la manière dont le ciel est constamment rempli par l’imaginaire de l’être humain.
La question de l’altérité de la peinture ou, pour le dire autrement, la question du spectateur, est en effet cruciale dans la réflexion de l’artiste. « Je conçois l’expérience de la peinture comme une expérience partagée, même si celui ou celle qui va venir devant le tableau s’y confronte seulement dans un second temps ». La peinture d’Emmanuel Van der Meulen est, dans le sens où elle existe et fait sens, seulement s’il y a un spectateur qui la regarde, qui la perçoit. Le tableau devient alors « une expérience du visible, de l’acte de voir », et la peinture, tel le cosmos, una cosa mentale.
[1] Du grec signifiant forme, idée, aspect. L’eidos est pour Husserl l’essence de la chose, sa structure pure et invariable.
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ARTIST COMES FIRST
Festival international d’art de Toulouse
Une invitation de Jean-Marc Bustamante et Christy MacLear, présidente du comité de programmation.
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Galerie du Château d’eau, 24 mai - 24 juin 2013
Rendre son regard à la peinture
Guitemie Maldonaldo
« Regarde, tu me regardes et j’adviens. » : quand Rémy Zaugg formule explicitement cette adresse dans certains de ses tableaux, les peintures d’Emmanuel Van der Meulen résonnent, dans leur matière et leur construction mêmes, de semblables interrogations quant à la réflexivité de l’acte de voir.
C’est en ce sens que l’on peut en effet comprendre l’insistance, frappante dans ses propos, sur le travail, celui du regard répondant chez lui à celui de la peinture : « Dans le travail de peinture, le traitement particulier des bordures, des marges, désigne (signale) le tableau en tant que surface à part. […] Le bord du tableau se pose comme seuil. La surface centrale agit comme un miroir opaque et renvoie le regard à son propre travail. » S’ils travaillent donc, l’un en regard de l’autre, l’un par/pour/avec l’autre, c’est comme la fermentation par l’action de ses agents chimiques, comme le bois sous l’effet de certaines contraintes (froid, chaleur), comme le temps, l’inconscient, le deuil ou encore le rêve élaborent et modifient progressivement la substance, qu’elle soit physique ou psychique : par un processus de transformation mutuelle et continue, lequel nécessite, pour être mis au jour, certaines conditions particulières d’observation.
La gamme chromatique en premier lieu les fournit, ces gris, ces terres, ces bruns, ces ocres qui dominent les œuvres de l’artiste et imposent leurs qualités de matière bien particulières : ils évoquent à la fois matérialité brute et sédimentation, soit la boue étudiée par Sophie Kaplan, ils forment des sols autant que des murs, bref ils retiennent le regard.
Loin de toute séduction facile, loin de tout effet immédiat, ces couleurs forcent le regard vers des longueurs d’ondes discrètes, quasi-imperceptibles et pourtant bien présentes, comme en une lumière d’entre chien et loup. De même, les quelques aplats vivement colorés – verts, roses, bleus… – qui semblent rompre l’homogénéité d’un tel registre ont-ils valeur de tests, comme un étalonnage : poussé occasionnellement aux limites de ce qu’il peut soutenir, l’œil n’en devient que plus sensible à la nuance.
Les tableaux de Rémy Zaugg obéissent à une économie chromatique similaire quoique plus contrastée, du presque rien des blancs sur blancs aux stridences, tout aussi aveuglantes d’ailleurs, de ses séries botaniques. Mais on peut aussi penser à la réduction de la palette opérée par Georges Braque et Pablo Picasso dans la phase analytique du cubisme, ce afin de concentrer l’attention sur la création d’un volume et d’un espace proprement picturaux. Et il en va de même de certains tableaux de René Magritte, tel L’Espoir rapide, qui déploie, du noir au blanc, un espace minéral et abstrait, où des pierres peuvent coexister avec des mots, comme les deux extrêmes de la matérialité, procurant, à la jonction du visible et du lisible, les conditions nécessaires au voir, à la formation d’images.
Les surfaces recouvertes par Emmanuel Van der Meulen sont, à leur manière, également paradoxales, aussi parce que son « travail de peinture » aboutit souvent à la création d’« espaces vides » ou « vacants », voire à l’affirmation de ce que la « vacance est le sujet du tableau » : la vacance comme résultat d’un travail et visant à mettre le regard au travail, en l’amenant au seuil de la perception, juste avant qu’il y ait à voir et à percevoir, à ce point de suspension où le regard se donne pour lui-même, fouillant lentement ces aplats obtenus par passages et recouvrements successifs et jamais totalement uniformes, à l’instar de ceux de Marthe Wéry ou d’Helmut Federle.
À ces centres vides, entourés de linteaux ou de bordures, succèdent aujourd’hui, obstinés, des cercles, des anneaux et des disques, soit autant de supports de visions centrées qui ne mettent que plus évidemment en valeur la construction de la peinture en miroir : des yeux largement ouverts sur nos propres yeux et qui nous font signe, déployés dans des formats assez grands pour engager le corps entier dans l’acte de voir. Redoutablement efficaces – ils tiennent seuls, dit le peintre – , ils ne contreviennent pas pour autant au rapport très particulier que celui-ci entend établir à partir des formes qu’il choisit de mettre en jeu : « Dans le partage avec le spectateur, ces quelques formes simples sont le minimum reconnaissable. Elles se donnent à voir d’emblée et on peut passer à autre chose. On peut aller au-delà de la reconnaissance de ce qu’il y a à voir sur le tableau et en venir à l’expérience de la peinture proprement dite. »
Une telle définition n’est pas sans faire écho au « seuil de reconnaissance minimal » recherché par les artistes, tels Fernand Léger, que le langage de la signalétique a pu un temps attirer. Les disques donnent d’autant mieux à voir le travail du regard qu’ils sont chargés de multiples souvenirs picturaux, depuis les Disques simultanés de Robert Delaunay, lumineux et cosmiques, jusqu’aux cibles hypnotiques et déstabilisantes d’un Ugo Rondinone, en passant par celles de Jasper Johns, envisagées comme des compositions ready-made : une forme tellement évidente et connotée qu’elle permet paradoxalement d’éclipser la question de la forme. Car ce n’est pas ce qui occupe le peintre, mais bien davantage « le fonctionnement même de l’œil qui travaille continuellement à identifier des formes, des signes, des situations, à établir des rapprochements, à faire des analogies, à évaluer des distances, etc. » Les analogies, en l’espèce, sont innombrables, de l’œil aux cercles chromatiques, en passant par les visualisations au microscope ou au télescope, par les visions mystiques décrites par Hildegarde de Bingen dans son Livre des œuvres divines, ou encore par les visions entoptiques peintes par Edward Munch en 1930 à la suite d’une hémorragie intraoculaire. Précisément trop nombreuses, elles ne sollicitent que « vaguement » le regard et en déjouent par conséquent la focalisation sur une image : « Le tableau ne vient pas rejouer la vision quotidienne, il en questionne l’activité, la met au jour, il fait voir l’œil. Le tableau évidé, mais recouvert de peinture, implique donc cette expérience du regard libéré de l’utile et pris à témoin de son propre travail, face à la peinture, à la couleur … »
Ou pour le dire avec les mots de Rémy Zaugg et refermer le cercle : « Regarde, je te regarde et toi tu deviens, regarde. »
Publié dans le catalogue d’exposition Artist comes first, Festival international d’art de Toulouse, 2013
Derrière l’abstraction, une vision mystique
Philippe Dagen
Le Monde, vendredi 24 mai 2013
Le peintre Emmanuel Van der Meulen, né en 1972 à Paris, diplômé des Beaux-Arts de Paris en 2001, a été pensionnaire de la Villa Médicis, à Rome, en 2012-2013. Au premier regard, il paraît aisé de le définir comme un adepte de l'abstraction géométrique, dont il connaît si bien l'histoire qu'il est, cette année, à Palerme, commissaire d'une exposition intitulée "Buongiorno Blinky", par allusion au peintre allemand Blinky Palermo (1943-1977). Lequel fut lui-même un continuateur de peintres américains tels Barnett Newman (1905-1970) ou Ad Reinhardt (1913-1967), qui ont porté à son point extrême de dépouillement cette conception de la peinture.
Van der Meulen compose donc par rectangles, bandes parallèles ou triangles, chaque surface étant définie par une couleur uniforme. Quand il emploie des formats ronds – tondi –, il divise le cercle en fractions égales ou reprend le schéma concentrique de la cible.
Rien de très neuf, serait-on tenté de commenter. Si ce n'est que Van der Meulen, pour son exposition dans les espaces très particuliers du Château d'eau, laisse l'architecture lui conseiller ses formats.
En outre, il introduit des allusions aux miniatures qui illustraient les ouvrages de la bénédictine mystique Hildegarde de Bingen (1098-1179) – dont les visions cosmogoniques et symboliques étaient dominées par les cercles concentriques, les mandorles ovales et autres figures d'une géométrie plus sacrée qu'abstraite.
En agissant de la sorte, Van der Meulen rappelle indirectement que l'abstraction du théosophe néerlandais Piet Mondrian (1872-1944) et du visionnaire russe Kazimir Malevitch (1878-1935) avaient des origines spirituelles.
BUONGIORNO BLINKY
Cantieri Culturali alla Zisa, 2 février 2013
Philippe Adam, Katinka Bock, Bérangère Chargé, Clément Cogitore, Fanette Mellier, Laurent Montaron, Camila Oliveira Fairclough, Manon Recordon, Olivier Vadrot, Emmanuel Van der Meulen.
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Nato da una proposta di Emmanuel Van der Meulen, il progetto degli artisti residenti a Villa Medici "Buongiorno Blinky" è organizzato dall’Institut français di Palermo insieme con l’Accademia di Francia a Roma – Villa Medici e il Comune della città di Palermo.
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“Buongiorno Blinky” nasce dall’incontro tra alcuni borsisti di Villa Medici e la città di Palermo. Grazie all’aiuto dell’Institut français di Palermo, infatti, essi hanno potuto scoprire un luogo particolare: i Cantieri Culturali alla Zisa, individuandone la geografia fluttuante, le intercapedini, le frontiere e intervenendo artisticamente in un paesaggio così complesso, cercando di entrare in relazione con esso.
Lo ZAC (Zisa Arti Contemporanee) ha poi invitato i borsisti a realizzare installazioni e opere all’interno dei suoi immensi spazi, inaugurati lo scorso dicembre.
Questo “buongiorno” è dunque davvero un risveglio e comunica il desiderio di alcuni artisti francesi di lavorare nell’Italia di oggi.
Il nume tutelare di questo progetto palermitano è l’artista tedesco Blinky Palermo. Fu uno studente dell’Accademia di Düsseldorf, che un giorno ribattezzò Peter Heisterkamp – nato Peter Schwarze – con il nome di un malavitoso, noto nel mondo della boxe. Un soprannome che lui, poi, adottò e mantenne per tutta la vita. Per questo, oggi, è conosciuto come Blinky Palermo, pittore tedesco. scelto non tanto per via dell’omonimia di circostanza, quanto per mettere in pratica una certa concezione dell’arte.
La figura, oggi leggendaria di Blinky Palermo sembra infatti essere in linea con lo spirito del luogo, i Cantieri, un luogo in costruzione – o, meglio, in ricostruzione.
I dieci artisti di Villa Medici partecipanti, hanno scelto di intervenire su questi non-luoghi, tra vuoto e pieno, tra aratura e semina, tra centro e periferia, mediante un percorso che attraversa i Cantieri.
Un lavoro che vuol essere principalmente un'esperienza condivisa, un incontro con la città e i suoi abitanti, con gli studenti dell’Accademia di Belle Arti, quelli della Scuola di Cinema e con il luogo stesso.
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Sur une proposition d’Emmanuel Van der Meulen, un projet des pensionnaires de la Villa Médicis 2012/2013 organisé par l’Institut français de Palerme, l’Académie de France à Rome-Villa Médicis et la Ville de Palerme.
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Cette exposition est née d’une rencontre entre quelques pensionnaires de la Villa Médicis et la ville de Palerme. Accompagnés par l’Institut français, ils ont découvert en particulier un lieu, les Cantieri Culturali alla Zisa. Ils ont parcouru sa géographie fluctuante, ses interstices, ses limites, sans tenter de hiérarchiser ce paysage complexe, mais plutôt en essayant d’entrer en relation avec lui.
Le ZAC (Zisa Arti Contemporanee), les a également généreusement invités à œuvrer à l’intérieur de son immense volume inauguré en décembre. Ce « buongiorno » vient donc saluer un éveil et manifeste le désir d’artistes français de travailler dans l’Italie d’aujourd’hui.
Pour ce projet palermitain la figure tutélaire de l’artiste allemand Blinky Palermo a été choisie, non pas seulement en raison d’une homonymie de circonstance, mais comme une mise en pratique d’une certaine conception de l’art.
C’est un autre étudiant de l’académie de Düssedorf, qui, un jour, baptise Peter Heisterkamp - né Peter Schwarze, puis adopté - de ce nom, celui d’un organisateur de matchs de boxe truqués. Il gardera ce patronyme durant toute sa vie. C’est ainsi qu’il est connu aujourd’hui, comme Blinky Palermo, peintre allemand.
La figure aujourdh’hui légendaire de Blinky Palermo paraît en effet en accord avec l’esprit du lieu, les Cantieri, lieu en construction, plus exactement en reconstruction, lieu de possibles, mais aussi avec la Sicile, où altérité et identité se confondent depuis la nuit des temps.
L’imaginaire des mots et des noms construit aussi les individus et le réel. Ce rapprochement est une façon de superposer deux histoires mythiques pour n’en faire qu’une. Ce tremblement entre réel et fiction produit un intervalle neuf où quelque chose peut advenir. Ce sont ces non-lieux entre vide et plein, friche et culture, centre et périphérie, que les 10 artistes participants au projet ont choisi d’investir, sous la forme d’un parcours au sein des Cantieri. Ce travail se veut une expérience partagée, à l’image d’une rencontre avec la ville et ses habitants, avec les étudiants de l’académie des Beaux-Arts de Palerme, de l’école de cinéma, avec une géographie.
Commissaire : Laurent Montaron
FILIATIONS
Dialogues avec les œuvres
de la donation Albers-Honegger
ESPACE DE L’ART CONCRET,
du 09 Déc. 2012 au 21 Avr. 2013
Une invitation de Fabienne Fulchéri, assistée d’Alexandra Deslys
Nicolas Chardon, Claire Chesnier, John Cornu, Isabelle Ferreira, Olivier Filippi, Isabelle Giovacchini, Emmanuel Lagarrigue, Adam Vackar, Emmanuel Van der Meulen.
Si les avant-gardes du début du XXème siècle construisaient leur vision esthétique sur une remise en cause radicale des mouvements qui les précédaient, les générations d’artistes actuels n’ont plus la même approche. Rares sont ceux qui font totalement table rase du passé ou, en tout cas, font de cette rupture un principe fondateur de leur démarche. Ils s’inscrivent résolument dans une histoire, celle de nos sociétés, celles de leurs formes et de leurs idées. Tous ne s’appuient pas sur les mêmes racines, ne se fondent pas sur les mêmes socles mais tous ont en commun généralement une mixité de référents, une mémoire plurielle.
L’Espace de l’Art Concret possède une collection d’œuvres d’art -riche et unique en France- qui appartiennent à une tendance résolument non figurative. Cette collection de presque 600 œuvres, qui regroupe 180 artistes de multiples nationalités, s’est constituée par touches multiples, par affinité programmatique, esthétique et affective. Sybil Albers et Gottfried Honegger ont fait des choix, durant leur vie entière, afin de faire grandir cette collection dont ils ont fait don et qui appartient désormais à l’Etat Français.
L’exposition « Filiations » prolonge ce regard porté sur la création « vivante » en invitant 9 artistes de la nouvelle génération à choisir au sein de la collection Albers-Honegger des œuvres avec lesquelles ils se sentent en « résonnance ». Ces choix viennent s’enrichir de leurs propres travaux afin qu’un dialogue s’instaure au-delà de la barrière du temps et de l’espace. Les artistes invités à participer à ce projet partagent avec l’histoire de l’abstraction et de ses ramifications des liens spécifiques. Ils s’inscrivent dans une filiation plus ou moins naturelle, qui comme toute les histoires de famille, se construit dans une relation plus ou moins ténue, plus ou moins directe et affirmée, mais toujours dans une recherche constante et essentielle d’autonomie.
Parmi les figures tutélaires invoquées, nous croiserons donc Bernard Aubertin, Helmut Federle, Joseph Kosuth, Niele Toroni, Karin Sander, John Mc Cracken ... Au-delà des liens formels et conceptuels existants, il s’agit aussi de tenter de saisir en quoi dans le parcours d’un artiste, la figure d’un autre artiste, la présence de son œuvre, peuvent créer une incidence.
COSMICA SIDERA
Avec Fanette Mellier
TEATRO DELLE ESPOSIZIONI III-2, octobre 2012
Villa Médicis, Rome
Commissaire : Alessandro Rabottini
GIORNO UNO
Galleria Bianca, Palerme
21.09.2012 | 03.11.2012
Per la sua prima mostra siciliana, Emmanuel Van der Meulen presenta una serie di opere inedite ispirate alla simbologia del cerchio; rappresentazione di perfezione e di vitale ciclo perenne. Van der Meulen realizza una serie di variazioni sul tema su carta e tela.
Il titolo prende forma da una riflessione sull’opera di Barnett Newman e in particolare dal monocromo del 1951 “Day1” che pone nuovamente la questione sulle scelte dell’artista difronte alla caotica complessità di una tela bianca.
Un viatico espressivo che l’artista trae dalla ripetizione e composizione semplice di gesti e geometrie nello spazio. Alla compiutezza della forma si aggiunge la caducità del gesto realizzato con colori ad acqua, che lieve e imperfetto, tradisce la risolutezza dell’impianto geometrico.
Per la grande istallazione centrale, un alto stendardo leggero, monumento flebile in perenne oscillazione, sceglie il sole. Una grande icona centrale, sospesa e profonda, negativo e positivo di energia accentratrice, rende omaggio alla Sicilia, al cosmo e alla vita.
TEATRO DELLE ESPOSIZIONI III-1
Villa Médicis, Rome, juin 2012
Commissaire : Alessandro Rabottini
La couleur et son lieu
Éric de Chassey
Emmanuel Van der Meulen a installé des œuvres sur toile et sur papier à plusieurs endroits dans le jardin de la Villa Médicis et dans son propre atelier, conçues expressément en relation avec l’architecture qui les abrite et engage un dialogue étroit avec celles-ci. ces œuvres en plein air – monuments éphémères, colorés et flottants – synthétisent à la fois l’idée du tableau comme unité autonome et autoréférentielle, et son contraire, à savoir le principe de la décoration murale comme simple relation avec l’espace environnant.
Dans l’atelier de l’artiste, les petites œuvres sur papier – parmi lesquelles se distinguent des formes élémentaires se référant aux éléments architectoniques environnants, mais sur une échelle intime et minimaliste – sont installées le long d’une ligne droite reproduisant idéalement l’horizon de Rome, qui peut être admiré des fenêtres de l’atelier.
Texte publié dans le catalogue du Théâtre des expositions, éditions Drago et Villa Médicis, 2013.
PEINTURE, MODE D'EMPLOI
Le 19 CRAC, Montbéliard
12 mai - 26 août 2012
Jean-Pierre Bertrand, Fabian Burgos, Martine Damas, Olivier Filipi, Bernard Frize, Rémy Hysbergue, Alix Le Méléder, Christian Roth, Mariela Scafati, Emmanuel Van der Meulen
Une invitation de Philippe Cyroulnik
La peinture d’Emmanuel Van der Meulen s’inscrit incontestablement dans une tradition abstraite mais tout en continuant à revendiquer la possibilité d’une peinture qui ne dépeint ni ne raconte, elle déroge aux canons des grands mouvements de l’abstraction, qu’ils se rattachent à la géométrie ou à l’abstraction minimaliste. Cela est particulièrement marquant dans ses œuvres sur papier qui sont peintes avec des restes de couleurs utilisées pour ses toiles. On sait bien que le partage d’une surface en deux champs colorés peut être le début d’une abstraction ou la fin d’un paysage et réciproquement.
On sait bien que le lissé du dépôt affirme le plan et que l’aléa du tracé peut ouvrir à l’espace. La superposition d’une ligne sur un fond coloré, traité presque comme un sol, rabat au plan et en dément l’effet «paysagesque ».
C’est dans ces interstices entre le tendu et le relâché, le net et le flou dans la couleur, entre gestualité et neutralité, que se déploie son travail.
De façon concomitante, Van der Meulen peint la forme et la matière, le plan et le champ, l’informe et le construit. Il y a dans sa peinture un art subtil à subvertir la division des genres : entre l’épure géométrique et le matiérisme abstrait, la rigueur constructive et l’aléatoire du faire. L’artiste joue à la fois des effets d’opalescence et de l’opacité de la couleur. Il construit une architecture picturale que les gestes du pinceau viennent perturber.
La peinture et la couleur uniquement donc, mais dans un dialogue avec ce que le trait structure. Avec une couleur qui est comme une terre, des couches qui sont comme des sols sur lesquels se font et se défont les tracés qui en charpentent l’organisation. Une critique a parlé de lui comme d’un peintre abstrait « réaliste ».
C’est une peinture qui peut accueillir parfois Barnett Newman et Ad Reinhardt mais elle croise aussi Raoul De Keyser, Helmut Federle et quelques autres. Il s’en nourrit mais creuse son chemin pour nous offrir des peintures à la fois modestes et très ambitieuses : des invitations à l’attention, à un mouvement du regard au gré de ce qui le fixe ou le déporte. Dans un silence où la peinture nous absorbe.
Philippe Cyroulnik
Texte publié à l’occasion de l’exposition Peinture mode d’emploi, 19 CRAC Montbéliard, 2012.
La couleur, comme la boue et comme l’eau,
change toujours un peu en séchant
Sophie Kaplan
Sur une photographie célèbre datant de 1968, on voit Walter De Maria qui pose sur une route bitumée, les jambes écartées de part et d’autre d’une ligne blanche continue et les bras relevés en deux lignes parallèles à celles des bords de la ligne au sol. Cette image appelle une œuvre célèbre de l’artiste américain, conçue la même année : les lignes de craie de Mile-Long Drawing in the Desert, tracées avec un camion de marquage dans le désert de Mojave.
Par ces gestes, Walter De Maria signifiait que le matériau « sol » et la mesure « ligne », qui permettent partout sur terre d’identifier un morceau de terrain, étaient désormais le nécessaire et suffisant présupposé de la sculpture.
On retrouve des éléments similaires dans les peintures d’Emmanuel Van der Meulen : une surface (l’aplat central) et des lignes (les bandes de couleur). On peut donc avancer l’hypothèse que la surface (peinte) et son marquage (coloré) sont pour Emmanuel Van der Meulen le nécessaire et suffisant présupposé de la peinture.
Je continue le parallèle.
En remplissant une galerie de terre pour son exposition 50 m3 Level Dirt, Walter De Maria amena le matériau brut – pure saleté, pure terre, pur sol – au centre de la sculpture, et invita le spectateur à envisager la terre comme une proposition à laquelle il avait tout simplement à acquiescer pour accéder à la jouissance esthétique, étant entendu que la terre n’était pas là seulement pour être vue, mais aussi pour donner à penser.
De la même façon, Emmanuel Van der Meulen interroge la peinture – pure couleur, pure surface, pure épaisseur, - dans l’espace du tableau.
Ce faisant, il propose au spectateur d’aller au-delà de la reconnaissance de ce qu’il y a à voir sur le tableau et d’en venir à l’expérience de la peinture proprement dite (« le tableau comme expérience du visible »). Les variations qui ont lieu d’une œuvre à l’autre – légères mais effectives – servent à réenclencher l’acte de voir à chaque tableau. Et dans cet acte de voir se mêlent délectation esthétique et pensée de la peinture.
Je continue le parallèle.
Dans l’exposition Earth Works à la galerie new-yorkaise Virginia Dawn, en 1968, Walter De Maria présenta une grande toile peinte en jaune, au milieu de laquelle se trouvait un panneau métallique avec l’inscription : « The Color Men Choose When They Attack The Earth ». Il s’agissait de la couleur des machines de construction.
On peut émettre l’hypothèse que le travail de la couleur chez Emmanuel Van der Meulen procède de cette même volonté, bien que menée en sens inverse et signifiée de façon plus abstraite, de confronter ce qui relève de la nature et ce qui relève de l’action de l’homme. Ou, pour le dire autrement, de confronter ce qui relève des caractères intrinsèques de la peinture et ce qui relève de son histoire, ce qui relève de sa matérialité et ce qui relève de sa conceptualisation.
Il y a dans la peinture d’Emmanuel Van der Meulen une présence réelle, bien que secrète, des matériaux bruts, naturels, mouvants : les cieux, les eaux, les sols, mais aussi les murs et les routes.
Ceux-ci, ou du moins quelques-unes de leurs caractéristiques, sont étudiés dans leur moindre variations. Simplement, il ne s’agit pas d’une étude directe, mais d’une approche par analogie, à travers l’étude des caractéristiques de l’un de leurs équivalents en peinture : la couleur posée sur la surface.
Publié dans le catalogue d’exposition Chronochromie,
Galerie Jean Fournier/Éditions Liernart, 2011 (extrait)